Évolutions majeures du droit de la construction en 2024 : ce qui change pour les professionnels et les particuliers

Le secteur du bâtiment connaît une véritable révolution juridique en 2024. Entre nouvelles réglementations environnementales, renforcement des responsabilités et digitalisation des procédures, le droit de la construction se transforme en profondeur. Décryptage des principaux changements qui impactent promoteurs, constructeurs et maîtres d’ouvrage.

La RE2020 : un tournant écologique pour le bâtiment

La Réglementation Environnementale 2020 (RE2020), entrée en vigueur progressivement depuis 2022, marque un virage décisif vers des constructions plus durables. En 2024, ses exigences se renforcent encore :

– Le seuil maximal d’émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment est abaissé de 10%.

– L’utilisation de matériaux biosourcés devient obligatoire pour au moins 20% des matériaux de construction dans les logements neufs.

– Le recours aux énergies renouvelables est imposé pour couvrir au minimum 50% des besoins énergétiques des bâtiments tertiaires neufs.

Ces nouvelles contraintes imposent aux professionnels du bâtiment de repenser leurs méthodes constructives et leurs choix de matériaux. Les maîtres d’ouvrage doivent quant à eux intégrer ces paramètres dès la conception de leurs projets, sous peine de voir le permis de construire refusé.

Responsabilité décennale : un champ d’application élargi

La garantie décennale, pilier du droit de la construction, voit son périmètre s’étendre en 2024. Désormais, elle couvre également :

– Les dommages résultant d’un défaut d’isolation phonique, même en l’absence d’atteinte à la solidité de l’ouvrage.

– Les désordres affectant les éléments d’équipement dissociables, dès lors qu’ils rendent l’ouvrage impropre à sa destination.

– Les dommages immatériels consécutifs à un sinistre couvert par la garantie décennale, comme la perte de loyers pour un bailleur.

Cette extension de la responsabilité décennale renforce la protection des maîtres d’ouvrage et des acquéreurs, mais accroît aussi les risques pour les constructeurs. Ces derniers doivent redoubler de vigilance dans la réalisation de leurs ouvrages et veiller à adapter leurs contrats d’assurance.

Dématérialisation des autorisations d’urbanisme : vers une simplification des démarches

La digitalisation des procédures d’urbanisme franchit une nouvelle étape en 2024. Toutes les communes, quelle que soit leur taille, doivent désormais être en mesure de recevoir et d’instruire par voie électronique les demandes d’autorisation d’urbanisme :

– Permis de construire

– Déclarations préalables

– Certificats d’urbanisme

– Permis d’aménager

Cette dématérialisation vise à accélérer le traitement des dossiers et à faciliter les échanges entre les différents acteurs (pétitionnaires, services instructeurs, consultations des services extérieurs). Pour les professionnels de la construction, cela implique de s’adapter à ces nouveaux outils numériques et de former leurs équipes en conséquence.

Renforcement de la lutte contre les recours abusifs

Face à la multiplication des recours contre les permis de construire, souvent à des fins dilatoires ou spéculatives, le législateur a décidé de durcir l’arsenal juridique en 2024 :

– Le délai de jugement des recours contre les permis de construire est ramené à 10 mois maximum en première instance.

– Les conditions pour obtenir l’annulation d’un permis de construire sont durcies : seules les irrégularités substantielles, ayant eu une influence directe sur la décision d’octroi du permis, pourront justifier son annulation.

– Les sanctions financières contre les auteurs de recours abusifs sont alourdies, pouvant aller jusqu’à 10 000 euros.

Ces mesures visent à sécuriser les opérations de construction et à réduire les délais de réalisation des projets. Elles devraient permettre aux promoteurs et constructeurs de mener leurs opérations avec plus de sérénité.

Performance énergétique : de nouvelles obligations pour les bailleurs

La loi Climat et Résilience poursuit son déploiement en 2024, avec de nouvelles contraintes pour les propriétaires bailleurs :

– L’interdiction de location des logements classés G au DPE entre en vigueur au 1er janvier 2025. Les bailleurs concernés doivent donc engager des travaux de rénovation énergétique dès 2024 pour se mettre en conformité.

– Le niveau de performance énergétique devient un critère de décence du logement. Un logement trop énergivore pourra être considéré comme indécent, ouvrant droit pour le locataire à une action en justice.

– L’obligation d’un audit énergétique est étendue à tous les logements mis en vente classés E, F ou G au DPE.

Ces dispositions renforcent la pression sur les propriétaires bailleurs pour améliorer la performance énergétique de leur parc immobilier. Elles ouvrent de nouvelles opportunités pour les professionnels de la rénovation énergétique, mais nécessitent aussi une montée en compétence sur ces sujets.

Vers une responsabilisation accrue des constructeurs en matière de gestion des déchets

La gestion des déchets de chantier devient un enjeu majeur du droit de la construction en 2024. De nouvelles obligations s’imposent aux acteurs du bâtiment :

– L’obligation de tri à la source des déchets de chantier est généralisée à tous les types de travaux, y compris les chantiers de rénovation.

– La traçabilité des déchets est renforcée, avec l’obligation de tenir un registre détaillé de leur élimination.

– La responsabilité élargie du producteur (REP) est étendue au secteur du bâtiment : les fabricants de matériaux doivent contribuer financièrement à la gestion de la fin de vie de leurs produits.

Ces mesures visent à réduire l’impact environnemental du secteur de la construction, mais elles impliquent aussi une réorganisation des chantiers et une adaptation des pratiques professionnelles. Les entreprises du BTP doivent intégrer ces nouvelles contraintes dans leur organisation et leurs devis.

L’essor du BIM : vers une digitalisation complète de la construction

Le Building Information Modeling (BIM) s’impose progressivement comme un standard dans le secteur de la construction. En 2024, son utilisation devient obligatoire pour tous les marchés publics de construction d’un montant supérieur à 5 millions d’euros. Cette généralisation du BIM a des implications juridiques importantes :

– La répartition des responsabilités entre les différents intervenants doit être clairement définie dans les contrats.

– La propriété intellectuelle des données du modèle BIM doit être précisée.

– Les assurances professionnelles doivent être adaptées pour couvrir les risques spécifiques liés à l’utilisation du BIM.

L’adoption du BIM représente un défi majeur pour les professionnels du bâtiment, qui doivent investir dans de nouveaux outils et former leurs équipes. Mais elle ouvre aussi de nouvelles perspectives en termes d’optimisation des projets et de réduction des litiges.

En conclusion, le droit de la construction connaît en 2024 des évolutions majeures qui reflètent les grands enjeux de notre époque : transition écologique, digitalisation, optimisation des processus. Ces changements imposent aux professionnels du secteur une adaptation rapide de leurs pratiques et de leurs compétences. Pour les maîtres d’ouvrage et les particuliers, ces nouvelles dispositions promettent des constructions plus durables et des procédures simplifiées, mais exigent aussi une vigilance accrue sur leurs droits et obligations.